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Channel: Sophie Yavari
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Roger Michell –« My Cousin Rachel »

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        On sait à quel point Daphne du Maurier a pu fasciner les plus grands cinéastes, à commencer par Alfred Hitchcock qui a transposé avec génie Rebecca et les Oiseaux à l’écran. A son tour, Roger Michell s’essaye à l’adaptation d’une nouvelle de l’immense écrivaine anglaise. Si My Cousin Rachel est une jolie adaptation, à l’interprétation impeccable, le film manque singulièrement de relief et peine à traduire l’atmosphère oppressante de l’univers de Du Maurier.

       Film à suspense, My Cousin Rachel s’ouvre sur un questionnement – « Did she ? Didn’t she? » – qui interroge de manière rétrospective la culpabilité du personnage féminin. Cette ouverture énigmatique est accompagnée par un travelling avant en plongée où l’on découvre une falaise vertigineuse puis des plaines verdoyantes et battues par les vents. Ce prologue orageux résonne de manière tragique, tout en immergeant efficacement le spectateur dans l’intrigue. Celle-ci est alors racontée en voix off, prise en charge par Philipp, jeune aristocrate anglais désormais inconsolable et rempli d’incertitudes.

Copyright 2017 Twentieth Century Fox

Copyright 2017 Twentieth Century Fox

       Dans son film, Roger Michell a le mérite de rester fidèle au récit originel en maintenant jusqu’au bout le doute dans l’esprit du personnage masculin comme dans celui du spectateur. Philipp, orphelin élevé par son cousin, apprend la mort de ce dernier alors que celui-ci séjournait en Italie pour des raisons de santé. Découvrant que sa mort a suivi de peu son mariage avec une jeune Italienne du nom de Rachel, Philipp décide d’enquêter sur les circonstances équivoques dans lesquelles son cousin a disparu. C’est alors que la veuve, plus jeune et plus belle que tout ce que Philipp aurait pu imaginer, rend visite à ce dernier de manière impromptue et bouscule le quotidien du jeune aristocrate.

       Les revirements constants du point de vue du personnage sur l’héroïne entraînent le spectateur dans un jeu vertigineux. Endossant tour à tour aux yeux de son hôte les traits d’une enchanteresse, d’une femme fatale, d’une meurtrière sans scrupules, ou d’une femme maternelle et pleine d’égards, Rachel déploie différents visages et fascine par son apparente versatilité. Sa capacité à dompter les chiens, à s’attirer les faveurs de la bonne société par sa bonté et son humour irrésistibles, et à amadouer un vieux valet impassible, un homme au visage buriné qu’on croyait insensible à tout, permet de comprendre à quel point elle va faire vaciller les intentions du jeune Philipp et bouleverser son univers. Dans ce rôle, Rachel Weisz excelle et incarne à la perfection une femme impénétrable.

       Si à première vue, Sam Claflin semble moins convaincant dans le rôle de Philipp, c’est peut-être parce qu’il interprète un personnage de jeune premier finalement assez insignifiant. Une des premières séquences du film le présente comme un jeune homme farouche voire fruste, aux usages quasi barbares, à la maison poussiéreuse, amateur de viandes saignantes. On ne peut qu’imaginer que ce cliché est intentionnel, ce qui contribuerait à faire de sa cousine Rachel un personnage plus positif qu’il n’y paraît, permettant au jeune homme de s’ouvrir sur le monde, de s’affiner et de gagner en humanité. En cela, le film évite tout manichéisme. Dans cette perspective, le romantisme bouffon et grotesque de Philipp confère par moments une dimension satirique au film et tendrait même à faire du personnage éponyme une figure féministe, soucieuse de son plaisir et farouchement indépendante. Mais le final, quoique tragique, ne parvient pas à contrebalancer l’aspect trop lisse du film. Si l’on est troublé par la fascinante Rachel, le traitement de l’intrigue demeure assez inoffensif.

       My Cousin Rachel s’apparente ainsi à un film de belle facture, qui réussit à divertir et à entraîner le spectateur dans ses péripéties, mais qui reste décidément trop sage. A travers un traitement très conventionnel, Roger Michell ne parvient pas à déranger ni à instiller dans son film l’étrangeté et la perversité propres aux récits de Daphne du Maurier.

Durée : 1h46

 


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